Les producteurs ivoiriens espèrent tirer profit de la hausse du prix du cacao

La Côte d’Ivoire a dévoilé ce 2 avril le nouveau tarif du kilogramme de cacao pour la campagne intermédiaire qui va d’avril à septembre 2024. Le kilogramme de la fève de cacao se négocie désormais à 1500 F CFA (2,46$) soit une augmentation de 50%. Un prix record qui fait suite à l’envolée des cours à la bourse de New York. Mais les producteurs de Côte d’Ivoire espèrent encore une hausse la saison prochaine.

Maurice Sawadogo, planteur dans le département d’Abengourou, région de l’Indénié, dans l’Est de la Côte d’Ivoire, attend pour cette saison intermédiaire au moins une dizaine de tonnes de cacao.

Malgré l’embellie du cours du cacao sur le marché international, M. Sawadogo s’attendait à vendre ses fèves de cacao à 1000 F CFA le kilo, prix fixé au début de la campagne 2023-2024.

Les planteurs ivoiriens espèrent accroitre leur productivité en investissant la rente intermédiaire dans les intrants.

Un prix record qui suscite de l’espoir

De mémoire d’Ivoirien, le prix du cacao n’a jamais atteint un tel montant. “C’est un niveau de prix jamais réalisé dans l’histoire de la filière cacao” s’est félicité le ministre ivoirien de l’agriculture, Kobenan Kouassi Adjoumani qui en a fait l’annonce au cours d’une conférence de presse le 2 avril dernier.

“C’est vraiment une satisfaction dans le milieu des producteurs de cacao de Côte d’Ivoire. Vu le système de commercialisation en Côte d’Ivoire, les producteurs ne s’attendaient pas à ce prix. Mais déjà 1 500 francs, c’est vraiment satisfaisant”, se réjouit, Penatirgué Soro, président du conseil d’administration de l’Association nationale des coopératives agricoles de Côte d’Ivoire.

La filière cacao est un secteur libéral et les cours varient en fonction de la conjoncture internationale. La tonne de fève de cacao a atteint 10 000 dollars soit environ six millions de francs CFA à la bourse de New York, suscitant des interrogations dans certains milieux profanes.

Mais, les producteurs de la Côte d’Ivoire s’estiment chanceux d’avoir cette augmentation. “Bien qu’il y ait beaucoup de spéculations sur la hausse des prix actuels, au regard du système de commercialisation en Côte d’Ivoire, les producteurs ne s’attendaient pas à ce prix”, indique Penatiergué Soro.

Cette augmentation, au-delà de la joie qu’elle procure aux producteurs, est aussi un gage de bonnes affaires à venir pour les acteurs de la filière cacao. Selon Maurice Sawadogo, cette décision du gouvernement qui, selon lui, fait violence sur lui-même en augmentant le prix du kilo de cinquante pour cent, “nous permettra d’actionner tous nos leviers pour une bonne production dans l’avenir”.

“Nous sommes prêts à aller puiser l’eau dans les puits très loin pour entretenir nos champs -qui subissent les effets des changements climatiques- si on nous donnait la possibilité d’avoir ce genre de prix”, ajoute-il.

Et plus encore, “nous pensons qu’il y a encore de l’espoir qu’à partir de la grande campagne, les producteurs vont encore bénéficier de la situation de hausse actuelle. Nous aurons notre part d’augmentation des prix à partir de la campagne prochaine”, rencherit M. Soro.

Entre un système libéral et “un prix minimum garanti”

Si les producteurs ivoiriens se réjouissent de cette augmentation et de l’espoir qu’elle suscite, leurs pairs du Cameroun, classé quatrième producteur africain avec 250 000 tonnes en moyenne, se frottent les mains tirant profit de la hausse mondiale. Au 31 mars dernier, le kilo de la fève de cacao se vendait à 4 225 F CFA soit plus de quatre fois celui de la Côte d’Ivoire à la même date.

Cette situation est due au système libéral qu’applique le Cameroun, nous explique Brice Mbodiam, journaliste spécialiste des questions économiques à l’agence panafricaine Ecofin. “Le producteur fixe le prix de son cacao en fonction de l’évolution des coûts sur le marché mondial.”

La libéralisation est intervenue en 1999 au Cameroun avec la disparition de l’ex-Office national du cacao et du café qui a été dissous quelques années plus tôt.

Pour maîtriser le système, explique Brice Mbodiam, l’Office national du cacao et du café a mis en place le projet SIF, système d’information des filières, qui est un dispositif qui s’appuie sur “l’excellent taux de pénétration du téléphone mobile” évalué à plus de 80 %, y compris dans les zones rurales.

“Le SIF compile chaque matin les prix à l’embarquement au port de Douala. C’est notre port de référence et les prix CAF, c’est-à-dire ceux qui intègrent les coûts de l’assurance du fret. Ces deux prix sont diffusés par SMS tous les matins à toutes les coopératives de producteurs et aux producteurs qui sont dans la base de données du projet SIF”, explique Mbodiam.

A partir de ces prix les producteurs mettent alors les acheteurs en concurrence lors de ventes groupées. “On ouvre ce qu’on appelle des enchères. Chaque acheteur faisant une enchère et remplacé par une autre”.

“La particularité ici, c’est que dans le schéma, vous avez les producteurs qui sont directement en contact avec les acheteurs. Ils sont face à face”, déclare Brice Mbodiam. Ce qui n’est pas le cas pour la Côte d’Ivoire ou le Ghana.

La Côte d’Ivoire a pendant longtemps fait l’expérience du système libéral de commercialisation du cacao avant d’opter pour un “système de sécurisation des revenus des producteurs” à travers un prix minimum garanti.

Avant la récente embellie, le prix du kilo de cacao pour campagne 2023-2024 était indexé sur le prix sur le marché international qui se chiffrait à 1600 FCA le kilo. Ce qui consituait un avantage pour les producteurs qui avaient la garantie de conserver ce prix même en cas de chute du cours mondial du kilo, pendant la première moitié de la campagne.

Avec ce système, le producteur ivoirien gagne moins que sont collègue camerounais mais selon M. Soro, “à chaque politique ses avantages et ses inconvénients”.

“Notre système de commercialisation nous permettra la saison prochaine de bénéficier des prix actuels”, conclut-il.

Source: BBC